Novembre 28, 2024 - 0 commentaires
Que sont les cépages hybrides et pourquoi contribuent-ils à défendre une viticulture écologique ? On fait le point.
Voitures hybrides, robots hybrides… Cépages hybrides ? Le mot « hybride » est souvent associé à la technologie, la biologie ou la science-fiction. Il n'est donc pas surprenant que lorsqu’on évoque les « cépages hybrides » on pense aux OGM ou à des cépages réalisés in vitro. Pourtant, ce n’est pas vraiment le cas.
Les cépages hybrides sont issus de la pollinisation croisée de l’espèce européenne Vitis vinifera (qui comprend des cépages comme le Chardonnay, le Pinot Noir, le Riesling…) et d'une espèce nord-américaine telle que Vitis labrusca ou Vitis riparia. Ces espèces moins connues se distinguent par leur résistance aux maladies et leur tolérance au froid, des caractéristiques dont les vignes européennes traditionnelles sont souvent dépourvues. En fait, elles ont joué un rôle déterminant dans le développement de la viticulture moderne, en particulier dans la création de porte-greffes résistants et de variétés hybrides.
Le développement des hybrides débute au XIXème siècle, en réponse à la crise des vignobles européens. Les plants américains importés depuis 1800 ont aussi introduit des agents pathogènes tels que l’oïdium, le mildiou ou le phylloxera, qui vont décimer les vignes européennes. Les espèces nord-américaines étant naturellement résistantes à ces fléaux, on les croise alors avec Vitis vinifera pour créer des variétés plus résistantes.
En 1852, un médecin de Long Island, William Valk, fut le premier à produire délibérément un hybride entre Vitis vinifera et une vigne du groupe labrusca, une espèce indigène d'Amérique du Nord. Ces premières variétés hybrides ont rapidement été adoptées dans toute l'Europe pour sauvegarder la viticulture.
Puis, au milieu du XXe siècle, l'industrie chimique développe une large gamme de pesticides et de fongicides pour lutter contre les ravageurs et les maladies de la vigne, en plus du cuivre et du soufre précédemment utilisés. Cet attirail chimique permet de reprendre la culture des cépages traditionnels européens, souvent considérés comme plus « nobles » ou prestigieux. Résultat, les cépages hybrides tombent en désuétude et sont même interdits dans certains pays, au profit de cépages emblématiques tels que le Cabernet Sauvignon ou le Merlot.
Dans les années 1950, des chercheurs allemands et suisses travaillent sur des croisements plus sophistiqués, via des méthodes génétiques plus avancées.
L'objectif était de créer des cépages naturellement résistants aux qualités comparables à celles de Vitis vinifera. Le concept de PIWI commence alors à émerger. Les vignes PIWI sont des variétés de vignes résistantes aux maladies fongiques, issues de croisements entre Vitis vinifera et d'autres espèces de vignes naturellement résistantes aux champignons tels que le mildiou et l'oïdium.,Le terme « PIWI » vient de l'acronyme allemand « Pilzwiderstandsfähig », qui signifie « résistant aux champignons ». Les PIWI ont gagné en popularité dans les années 1990, à mesure que l'on s'intéressait à des pratiques plus écologiques en viticulture. Des pays comme l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche et l'Italie ont été parmi les principaux promoteurs de la recherche et de la culture des PIWI.
Aujourd'hui, les cépages hybrides reviennent en force, notamment chez les vignerons naturels. Leur résistance permet de les cultiver avec moins d'intervention, conformément à l'éthique de la viticulture écologique. Ils s’adaptent aux climats difficiles et nécessitent moins de traitements, ce qui en fait un choix pragmatique face aux aléas climatiques. Et soyons honnêtes : moins de traitements chimiques dans le vignoble, c'est un avantage pour tout le monde, n'est-ce pas ?
Les cépages hybrides offrent une grande variété de profils gustatifs et certains vignerons naturels, tels que Valentin Morel et Didier Grappe en France, Patrick & Karoline Uccelli et Leila Grasselli & Dominic Würth en Italie ou encore Servaas Blockeel en Belgique, ont démontré leur potentiel en créant des vins remarquables, qui mettent en valeur ces cépages méconnus.
De plus en plus de viticulteurs du monde entier commencent à expérimenter des variétés de cépages hybrides, testant leurs capacités et leur potentiel dans différentes conditions. Leur résistance naturelle aux maladies fongiques et leur capacité à s’adapter à des conditions climatiques difficiles permettent de réduire considérablement l’utilisation de traitements chimiques. Ces cépages résistants contribuent ainsi à défendre une viticulture écologique.
Pour aller plus loin, nous vous recommandons vivement le livre de Pascaline Lepeltier intitulé Mille vignes, Penser le vin de demain.
A la vôtre !
Salon des cépages résistants
Hybride 2024
Le Salon des Débouchées 2024
Résistance : Le salon des vins hybrides
Articles, interviews et livres sur les cépages hybrides
Un autre vin, entretien avec Valentin Morel, Radio Vino (2023)
Le vin du futur, France Inter (2023)
Vitis Batardus Liberata, association des vins hybrides.
Mille Vignes, Penser le vin de demain, Pascaline Leperltier (2024)