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Je ne me suis intéressé vraiment au monde du vin qu'à partir de mon BTS viti/oeno en 2009. Lorsque l'on se trouve sur des domaines de taille modeste et vendant leurs propres bouteilles, il y a un aspect très complet et riche du métier qui est très plaisant car il fait souvent défaut dans le monde agricole général, où l'on se cantonne souvent à produire de la matière première, et où la transformation est très spécialisée. Je suis arrivé sans vraiment d'idées préconçues dans ce métier, avec juste un gros penchant vers la culture en AB, qui a plutôt orienté mes expériences professionnelles en tant que salarié vers des domaines en bio et en biodynamie. Pour la partie vignes, mon travail s'est fait de manière évidente en AB depuis 2015, officiellement en certification depuis 2017. La culture de la vigne est actuellement la partie que je favorise le plus dans mon temps de travail (aussi car le domaine fait actuellement 4 ha, dont 1,5 en jeunes vignes et dont je m'occupe quasi seul), et c'est aussi celle qui demande à mon sens le plus d'attention. J'ai entamé depuis mon installation une remise en question quasi annuelle de mon travail viticole pour essayer de travailler au mieux avec la nature environnant la vigne, tout en essayant de produire assez de raisins et de vin pour pouvoir vivre de ce métier. Cette remise en question a été nourrie par un travail de technicien viticole animateur d'un groupe de vignerons lorrains de 2015 à 2019, par de nombreuses formations et de la bibliographie.
Après 6 millésimes, ma philosophie et mes pratiques à la vigne ont beaucoup changé, et l'évolution climatique en cours va très certainement amplifier ce besoin et cette envie d'adaptation permanente. Mes parcelles de vignes se situent en grande majorité dans un environnement type agroforestier, que je veux maintenir et favoriser car il est lui aussi le garant d'un équilibre qui manque cruellement dans toutes les monocultures. Cela me permet aujourd’hui de traiter extrêmement peu mes vignes, (env. 500g de cuivre métal/an/ha et des doses très faibles de soufre) pour des rendements qui commencent enfin à remonter dans les vignes en production que j'ai converti en bio (autour de 30 HL/ha actuellement pour une densité d'environ 5500 pieds/ha), et des jeunes plantations qui commencent tout juste à donner leurs premiers fruits. Beaucoup de travaux, taille, semis d'engrais verts, traitements, vendanges...sont faits en respectant les bons cycles lunaires. Je suis attiré par la biodynamie au sens strict du terme mais je préfère actuellement me concentrer sur des notions d'agronomies très « terre à terre » et pourtant si essentielles. Je travaille beaucoup à la main et limite au maximum les passages et l'utilisation du tracteur.
La vinification des raisins vendangés à la main en petites caisses a suivi la même réflexion que le travail à la vigne. Je n'ai jamais été très interventionniste sur les vinifications, et par la force des choses financières et pratiques, le matériel de cave est depuis le début assez artisanal et basique : un fouloir manuel, trois pressoirs à cliquet, des fûts d'occasion, quelques cuves à chapeaux mobiles et une petite pompe 230v. J'ai d’abord reproduit en 2015 mes expériences « salariées » et « écolières »de vinification. Pour les blancs et les rosés : sulfitage des moûts à 3g/HL, débourbage statique puis fermentation spontanée en fût ou en cuve, léger sulfitage en fin de fermentation, puis filtration mi serrée sur plaques grâce à un filtre prêté, sulfitage et mise en bouteille. Idem pour le rouge mais sans sulfitage du moût et avec une filtration uniquement dégrossissante. En 2016, simplification, plus de filtration des rouges et un sulfitage plus limité en général, puis vient 2017 et l'arrêt total des filtrations, la fin du sulfitage des rouges, et la continuité de la baisse sur les autres. Je n'avais aucun intérêt personnel à mettre du SO2 dans mes vins, et fort de mon expérience en solo, sans œnologue, en réussissant depuis trois millésimes à sortir des vins sans « problèmes », je continue dans la voie. Parallèlement, les vins sont vendus, au début dans un circuit commercial fait un peu au jour le jour, au grès du vent et des idées qui germent. Je ne suis pas particulièrement familier avec le monde du vin nature, mais les premiers contacts avec des cavistes dans cette veine m’y emmènent de plus en plus. Cela n'est pas pour me déplaire car j'y trouve des personnes passionnées, à tous les niveaux, et qui pour beaucoup sont plus sensibles au travail quasi artisanal et sur mesure fourni à la vigne et en cave. Me retrouver ainsi aussi un peu estampillé « nature » me fait prendre conscience que je dois persévérer dans cette voie si je veux être honnête avec les personnes qui achètent et boivent mes vins. Cela devient également pour moi une continuité évidente de ma démarche viticole.
Vient 2018 et ses grosses chaleurs dans la partie Nord de la France, une confiance en moi trop marquée, des maturités énormes, quasi pas de soufre, un suivi des vinifications plus distant. Une petite claque de rappel après analyse : de la piqûre lactique, du rouge qui part en distillerie, des montées de volatile et une cuvée de gris qui ne veut plus fermenter, que j'essaie de rattraper en catastrophe au mois de mars avec une levure sèche spéciale arrêt de fermentation qui n'y changera rien... Vu le peu de volume produit annuellement, la leçon est un peu onéreuse, mais elle remet en place pour les millésimes suivants. 2019 et 2020 ont été gérés différemment, notamment à la vendange où il a fallu embaucher plus pour rentrer les raisins plus tôt, sur une période plus courte, car le réchauffement climatique se fait de plus en plus palpable chaque année. Sans trop s'avancer sur 2020 qui prend néanmoins à ce jour une bonne direction, malgré un fût certainement daubé, c'est plutôt une réussite avec désormais la totalité de la cave qui respecte un cahier des charges sans intrant ou très peu sulfité : 15 mg de SO2/L sur moût uniquement pour les blancs et les rosés en pressurages directs puis généralement plus rien. Juste de la surveillance, un peu d'empirisme et du ouillage pour arriver au seul soutirage qui a lieu le jour de la mise en bouteille, faite par gravité avec une vielle tireuse-boucheuse Clemens-Fiamat. C'est aussi un millésime où j'ai saisi l'opportunité d'acheter un peu de raisins locaux en AB, chose que je me refusait jusqu'à présent mais qui va me permettre de compléter un peu en volume ma cave, car les jeunes vignes ont souffert de la sécheresse. J'ai aussi rentré provisoirement sur mon domaine une parcelle non AB récupérée la veille des vendanges, qui est désormais officiellement en conversion. Cela pour le compte de mon stagiaire, afin qu'il puisse faire ses première armes en vinification et surtout par ce que son entreprise n'était pas encore créée en septembre.
Une cuvée (Chimère) sera mise en bouteille sous le nom de l'Arbre Viké, les autres le seront sous sa marque. Jusqu'ici, mon modeste parcours de vinificateur m'a fait comprendre jusqu'ici qu'une part importante des soucis en cave provenaient de déséquilibres à la vigne. D'où l'importance pour moi de travailler toute l'année au plus près du végétal lorsque l'on veut une vinification qui se veut la plus simple et certainement la plus proche de son terroir possible.
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